Anne Guillemot est post-doctorante à l’École des Ponts ParisTech.

Depuis le début des années 2010, l’Union européenne (UE) s’est efforcée d’éliminer progressivement la motorisation à essence et a activement soutenu le développement de carburants alternatifs.
En particulier, l’UE a mis fortement l’accent sur la promotion des véhicules électriques (VE) et de l’électromobilité. La transition vers l’électromobilité à l’échelle de l’UE implique la mise en place d’un nouveau système socio-technique complet, intégrant des innovations technologiques et non techniques intégrées dans un cadre institutionnel novateur. Les principaux éléments comprennent le développement de l’infrastructure et des services de recharge pour véhicules électriques, la participation d’une variété de parties prenantes et l’adoption de nouvelles pratiques en matière de « ravitaillement ». Une telle transformation de grande envergure est censée être ouverte, parce que différents acteurs peuvent ne pas être d’accord sur les innovations les plus souhaitables, qu’il s’agisse de technologies, d’organisation du marché ou de modèles commerciaux, et ils peuvent chercher à façonner la transformation en fonction de leurs intérêts (conflictuels). En outre, la résistance au changement peut apparaître à plusieurs niveaux.
Cet article a pour objectif de démêler la trajectoire technologique du sous-système de recharge des véhicules électriques émergent qui est en cours de développement dans l’ensemble de l’Union européenne dans le cadre de la transition vers l’électromobilité.
Nous nous écartons des approches antérieures qui considéraient l’UE comme un ensemble de paramètres nationaux avec des approches différentes pour les infrastructures et services de recharge des véhicules électriques, et qui se concentraient sur les efforts visant à réduire la diversité transfrontalière par la normalisation et l’harmonisation. Nous observons plutôt l’élan et les débats qui se déroulent dans des arènes paneuropéennes, impliquant les entreprises et les décideurs politiques qui travaillent à établir une offre de tarification cohérente à l’échelle de l’UE dès le début.
Sur la base d’une enquête qualitative et s’étendant de 2011 à 2019, nous explorons les raisons et les attentes qui ont alimenté le développement d’une approche technologique ambitieuse, façonnée par un cluster de l’électromobilité en plein essor à l’échelle de l’UE. Nous donnons également une interprétation de la raison pour laquelle une approche globale, à technologie unique ne pouvait pas être universellement imposée et que la variété technologique a prévalu.
Notre analyse étudie les structures contextuelles, qu’elles soient sectorielles ou géographiques, qui expliquent les différentes approches technologiques et les
statu quo. En s’appuyant sur le concept de travail institutionnel, nous introduisons le concept de ’voyage institutionnel’ pour encadrer le processus par lequel diverses technologies gagnent la légitimité, en fonction d’un ensemble d’acteurs, d’actions et de la technologie, les pratiques des utilisateurs et les institutions établies dans le secteur automobile.
Notre étude démontre que la coexistence de différentes approches technologiques est à la fois une caractéristique clé et un moteur de la transition vers l’électromobilité à l’échelle de l’UE, favorisant l’engagement des utilisateurs, des entreprises et des décideurs politiques. Cet article apporte une contribution importante à la recherche sur les transitions durables à l’échelle de l’Union européenne, un sujet qui a jusqu’ici été largement négligé par le milieu de la recherche.
Anne Guillemot

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